La loi sur l'intégrité: des trous béants

QUI-SUIS-JE?

Ingénieur de profession, j’ai exercé pendant près de quarante années. J’ai vendu aux gouvernements et municipalités par appel d’offres publics. Aussi, j’ai préparé avec d’autres ingénieurs de nombreux appels d’offres pour la construction du métro de Montréal. Par la suite, j’ai exploité une colossale usine municipale qui a été bâtie par l’octroi de contrats au plus bas soumissionnaire. De plus, pour cette usine, j’ai préparé de très nombreux contrats pour l’entretien et l’exploitation et pour lesquels j’ai écrit le cahier des charges (principalement le partie technique). Finalement, j’ai fait un passage de quelques années dans deux ministères québécois impliqués dans les infrastructures municipales. De plus, personnellement, je suis intervenu dans de très nombreuses instances afin de faire connaître mes opinions sur différents sujets touchant notre société. Et l’écriture de cet article est une suite logique à mon implication sociale.

LES TROUS

Lorsque j’ai lu le texte du projet de loi, je n’ai pu m’empêcher de vouloir intervenir. J’ai tout de même une certaine expérience que je mets à la disposition des québécois autant pour leur bien être que le mien. Voilà tout.

Premier trou : Cette loi ne touche qu’un seul aspect du combat contre la corruption : le juridique. Alors qu’il aurait nettement préférable de déposer un programme complet touchant tous les aspects. Encore une fois, on règle les problèmes à la pièce sans véritable vision à long terme. On veut agir vite, mais on ne règlera probablement pas grand chose.

Deuxième trou :

Je ne crois pas que notre société combattra le crime organisé avec une loi quelle quel soit la sévérité de la dite loi. Rappelons-nous qu’il ne respecte pas les lois. Il va falloir beaucoup plus. D’ailleurs, celle-ci n’est même pas une épine dans leur pied. Elle est pleine de trous béants et on doit bien en rire de l’autre coté. Au Québec, on ne compte plus les commissions pour le dénoncer et il est toujours très florissant. Rappelez-vous, il y a longtemps le maire Drapeau s’est fait élire en prétendant être le champion du combat contre le crime organisé. Il va falloir plus qu’une simple loi pour le combattre.

Troisième trou : Cette loi s’attaque à tous les marchés, alors que la Commission Charbonneau s’est surtout attardé sur les contrats de construction. Frapper dans tous les domaines divisera nos forces. Ma suggestion : si le crime est dans la construction, alors c’est ce marché qu’il faut attaquer.

Quatrième trou : Cette loi ne semble s’appliquer qu’aux contrats de plus de 40 000 000 $ donc sur une petite minorité de contrats. Le crime organisé va s’organiser pour faire en sorte qu’il y ait plus de contrats de moins de ce nombre à l’avenir. Les contrats vont être divisés tout simplement. Il a des entrées partout et il va s’en servir. Soyez-en certains. D’ailleurs, si on se fie aux témoignages entendus à la Commission Charbonneau, la plupart des contrats truqués étaient d’une valeur inférieure au montant mentionné ci-dessus. Il va falloir diminuer le montant. Ma suggestion est tous les appels d’offres public.

Cinquième trou : Cette loi ne ferme pas les liens entre le crime et la politique. Le pire qui pouvait nous arriver est arrivé. Les politiciens se sont vraisemblablement acoquinés avec le crime organisé. Comment cela est-il possible? Tout simplement pour le financement des campagnes électorales, nos politiciens vendent leur âme au plus offrant. Alors il faut de nouvelles façons de faire. Limiter les dons en est une, mais le comptant pas de facture est florissant au Québec. Voici ma proposition : nos politiciens doivent apprendre à faire de la politique avec un minimum d’argent. Pas d’argent à recueillir, pas de copinage entre le politique et le crime organisé. Il faut prendre le problème de front. Par exemple, finies les pancartes couteuses qui inondent nos rues en campagne électorale. Il faut remplacer cela par les pages web, les réseaux sociaux internet, et surtout le porte-à-porte et les rencontres à domicile ou dans des salles de réunion. A ce dernier sujet, je recommande l’utilisation des salles de réunion publiques (municipales, scolaires, provinciales). Ces infrastructures nous appartiennent et les frais de location devraient se résumer à la conciergerie. Donc, pas de dépenses, pas d’argent requis pour se faire élire, pas d’achat de politiciens.

Sixième trou : Le temps des excuses est fini. Fini le temps où on fait des lois pour boucher les trous béants laissés dans les lois antérieures. Je somme les politiciens de faire des lois sans faille du moins apparente et pour ce faire, de toutes les voter par un consensus parfait. Pour ainsi dire, pas de défaite pour quiconque du genre « Nous n’étions pas au pouvoir ». Le temps de la division aussi est fini. Il faut mettre toutes nos idées à contribution. Aucun député ne doit avoir de porte de sortie pour se disculper.

Septième trou : Contrer le crime organisé n’est pas chose facile, mais ca pourrait être plus facile de se débarrasser d’un politicien que l’on croit corrompu ou incompétent par référendum. Ne vous attendez pas à ce que cette proposition soit faite par les politiciens. Jamais ceux-ci ne vont proposer cette solution. Il faut que cela vienne du peuple. Ainsi nous n’aurions pas à attendre la prochaine élection pour se débarrasser d’un élu qui a un comportement questionnable. Il pourrait être mis à la porte par un référendum local sans attendre la prochaine élection.

Huitième trou : Il faut une implication de tous les citoyens à tous les niveaux et, de nouvelles façons de faire et surtout, des changements de comportement. Ce n’est que lorsque nous travaillerons ensemble que nous y parviendrons. Demander à une seule personne de dénoncer le crime organisé est insensé. Le feriez-vous vous? Encore une fois on demande à un organisme de devenir le chien de garde de tous les québécois, alors que je préfère demander à tous les québécois de devenir le chien de garde.

Neuvième trou : Comme on dit : nul n’est sensé ignorer la loi. Bien pour ce faire, il faut nécessairement que les lois soient compréhensibles par le plus simple des citoyens. Cette loi 1 est à peu près incompréhensible pour le commun des mortels. S’il y a 1000 citoyens au Québec qui vont lire ce projet, j’en serais agréablement surpris. Si on veut impliquer les citoyens, nos législateurs doivent apprendre à rendre les projets de loi accessibles à tous. Je recommande ici un document détaillé expliquant les changements pronés par un projet de loi. Le résumé de 30 lignes introduisant le nouvelle loi me semble singulièrement insuffisant. D’ailleurs, on y a même omis de parler du minimum de 40 000 000 $ auquel cette loi s’applique. Tout cela ne coute pas cher et il est facile de le mettre en application.

Dixième trou : On ne demande pas l’implication des fonctionnaires. Plusieurs fonctionnaires corrompus se sont justifiés à la Commission Charbonneau en disant qu’ils étaient mal payés. Cette excuse n’est pas valable. Je crois que lorsque l’on accepte un salaire pour nos services, nous avons l’obligation morale d’effectuer notre travail avec diligence. Notre patron, lui, ne coupe pas notre salaire parce que nous n’avons pas fourni notre 100%.

Ce n’est pas le gouvernement qui demande aux fonctionnaires de travailler avec enthousiasme, rigueur et courage, mais bel et bien le peuple. Il faut dénoncer les dossiers suspects et demander confirmation avant de les acheminer au niveau supérieur. Mettez votre syndicat en copie si nécessaire. Et, il y a toujours les policiers. Allons à l’ouvrage.

Et si vos conditions salariales ne vous satisfont pas, il faut tenter d’améliorer votre situation en retournant suivre des cours, ou muter dans un poste plus rémunérateur ou tout simplement en changeant d’employeur. Pas en boudant le travail.

Onzième trou : Il n’implique pas le grand public et qui a peut-être le rôle à jouer le plus important. D’une part, lorsque les actions de nos gouvernements nous semblent suspectes, il faut sans tarder se plaindre : officiellement à son maire ou député ou, officieusement via les réseaux sociaux. Bien sûr, il faut poser des questions, relever des actions qui nous semblent suspectes, mais sans accuser directement. Soyons quand même prudents. Par exemple, il faut demander pourquoi tel contrat a été accordé sans soumission sans accuser le maire d’être un voleur.

D’autre part, ça ne sert à rien de tenter de mettre fin à la criminalité pendant que le bon peuple la nourrit. Il arrêter de consommer tout ce qui est illégal. Point à la ligne.

Douzième trou : Il m’apparaît que cette loi va paralyser tout le système d’appel d’offres public puisque ceux-ci peuvent ne nécessiter que 15 jours de calendrier de publication. Et je suis certain que pour obtenir l’autorisation requise pour soumissionner, cela prendra beaucoup plus de temps que cela. On ne parle pas d’étude de crédit ici, mais d’une étude d’un casier judiciaire de plusieurs personnes impliquées pour chaque soumissionnaire. Donc plusieurs soumissionnaires potentiels devront s’abstenir et le gouvernement en sera perdant. C’est la compétition qui maintient les prix bas et en éliminant la compétition les prix vont monter. Je suggère que la demande d’obtention du certificat se fasse en même temps que la soumission. Si le plus bas soumissionnaire n’est pas retenu, alors on passe au suivant. Aussi, si un nouveau fournisseur se présente, il aura toujours la chance de soumissionner sur les appels d’offres. De la façon proposée, ce dernier fournisseur ratera probablement l’appel d’offres.

Treizième trou : Pour le moment, la corruption et la collusion semblent se retrouver principalement que dans le domaine de la construction, alors pourquoi ne pas mandater la Régie du batiment pour délivrer les certificats, plutôt que l’AMF. Il y a deux avantages à cela : déjà la Régie delivre des permis restreints pour les entreprises ayant commis un acte repréhensible et il y aura une meilleure coordination avec la délivrance de l’autorisation. (En clair, on évitera les failles que l’on rencontre lorsque l’on divise le problème entre deux organismes).

Quatorzième trou : On ne s’est pas attaquer aux entreprises parentes et aux prête-noms. Il fut indiqué que plusieurs entreprises de construction opèrent sous différents noms et avec différentes capitalisations. Un exemple : une entreprise de construction, disons Construc X, appartenant à 60% à un monsieur A et 40% à une dame B et une entreprise de construction, Construc Y, appartenant au monsieur A à 40% et à madame B à 60%. Ces deux entreprises sont légalement deux entités différentes et pourraient soumissionner sur un même appel d’offres. On a même mentionné une personne qui serait impliqué dans près d’une centaine d’entreprises de construction. Or on comprend que si les deux entreprises mentionnées ci-dessus se retrouvent à soumissionner sur le même projet, il y aura de grande chance de collusion. Donc pour prévenir cet état de fait, je suggère qu’une analyse des soumissionnaires soit faite suite à l’ouverture des soumissions et que si on retrouve deux entreprises parentes, que le contrat ne soit pas accordé si une des entreprises parentes est le plus bas soumissionnaire et que le cautionnement de soumission des soumissionnaires parents soit saisi. (Le cautionnement de soumission est une forme d’assurance garantissant le prix et il représente généralement au moins 10% du prix de la soumission).
Ainsi des fournisseurs parents ne seraient pas tentés de participer à une soumission bidon. Je suggère que toute entreprise contrôlée en tout ou en partie par 10% du capital quelque soit le niveau de contrôle ou par toute autre forme de contrôle implicite (prete-noms). Bien sûr, l’industrie du cautionnement doit être consulté pour ce faire.

Quinzième trou : On ne s’attaque pas aux fournisseurs restreints. Il faut utiliser les Registres de la Régie du batiment. Via ces registres et le site Internet SEAO.CA, en invitant les futurs soumissionnaires à découvrir les appels d’offres du gouvernement et des municipalités. Ainsi le gouvernement pourra inviter toutes les entreprises listées dans un domaine de la construction. De cette façon, en élargissant le nombre de fournisseurs potentiels, les tentatives de collusion seront grandement diminuées. Par exemple, en lieu d’avoir environ 10 soumissionnaires, cela pourrait générer un potentiel d’au moins une centaine de soumissionnaires rendant le contrôle de la soumission très difficile.

Seizième trou : Cette loi ne s’attaque aux défaillances des personnes clés dans le système d’appels d’offres. Plusieurs personnes détiennent des postes-clés et si elles étaient corrompues, elles pourraient court-circuiter tous nos efforts pour mettre fin au contrôle des appels d’offres par le crime organisé. Nous devrons exiger de nos organisations politiques que pour toutes les fonctions-clés dans leur système d’appel d’offres une caution ou une garantie de bonne conduite soit exigé.

Dix-septieme trou : Aucune comparaison avec d’autres provinces ou pays n’est disponible ou crédible. Il faut donc obtenir ou créer ces bases de comparaison afin de s’assurer que nos couts sont comparables à d’autres.



SOMMAIRE

Nous pouvons changer le cours des événements simplement de la façon suivante :

- Instaurer un programme complet pour la lutte à la corruption
- Voter des lois sans faille par un consensus parfait des députés
- Voter un loi pour pouvoir démettre un député, un maire ou un conseiller par référendum
- Faire de la politique presque sans argent en limitant les dépenses
- Etablir des bases de comparaison
- Travailler avec diligence et courage
- Dénoncer tout acte suspect
- Ne plus consommer de biens et services illégaux

Ce n’est qu’ensemble que nous viendrons à bout de nos problèmes. Ce n’est pas simplement par une loi, probablement votée à la majorité, que nous y parviendrons. Nous avons tous un rôle à jouer.

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