Or ce système, semble-t-il
réclamé par les ordres et les associations professionnels, est basé sur la
qualité des services offerts par les différentes firmes : celui qui est
reconnu comme le plus bas soumissionnaire n’est pas obligatoirement le plus bas
prix. Et ce, j’affirme solennellement
que plusieurs témoins entendus à la Commission Charbonneau ne disent pas la
vérité. Ce système, à part quelques modifications, prévaut encore
aujourd’hui. Pour les faux repentis de la CEIC, soyez certains que leurs
affirmations font partie d’une vaste campagne de relations et de désinformation
publiques, car il y a de gros intérêts financiers en jeu. Ce n’est pas une
médaille qu’ils méritent, mais un Oscar.
Tout d’abord, le système a prévu
une exemption pour les projets commencés préalablement à l’introduction de la
loi. Et je peux vous l’affirmer cette exemption s’est prolongée au moins
jusqu’en 2011 à ce que j’ai vu. C’est drôle comment quelques petits mots dans
une loi vont loin.
Pour l’ingénierie, une deuxième
exception était prévue : si les plans et devis avaient été octroyés suite
à un appel d’offres d’un minimum de 25,000 $, les municipalités pouvaient
négocier le prix de la partie surveillance avec le concepteur des plans et
devis. Il faut se rendre compte qu’une soumission en deux parties, avec une
première partie fixe pour les plans et devis et une deuxième partie négociable
pour la surveillance, n’est pas une soumission, mais plutôt une farce
monumentale qui a duré pendant plus de huit ans où plusieurs firmes ont rajusté
leurs prix via la surveillance. Ainsi et en toute légalité, la firme
d’ingénierie pouvait aller obtenir le prix qu’elle désirait pour tout le
contrat en négociant pour la surveillance. Ce système a prévalu jusqu’en 2010.
C’est drôle quand même qu’aucune firme ne l’ait dénoncé et pas plus que tous
les autres gouvernements ou partis politiques non plus.
Pour les exceptions, on ne s’est
pas arrêté là. Voyons, il y en une troisième : les appels d’offres
régionalisés. Pour un contrat de moins de 500,000 $, une ville peut procéder à
un appel d’offres limité aux firmes de sa région ou MRC. Quand on sait que les
petites firmes régionales ne peuvent fournir de prix ou ont été achetées par
les grandes firmes (voir les comités de sélection plus loin) ou que des
consortiums sont formés entre les grandes firmes, on peut déjà affirmer que pour
cette forme d’appel d’offres la compétition ne sera pas forte et que les prix
auront tendance à monter. Ajoutons qu’avec tous les outils informatiques que
nous disposons aujourd’hui, le génie local est en voie de disparition. Cette
exception doit cesser.
Vous pensiez que les exceptions étaient finies. C’est mal connaître nos
gouvernements. Introduit en 2010, l’article 573.3.0.4.
de la Loi des Cités et Villes se lit
comme suit : une municipalité ne peut modifier un contrat accordé à la suite d'une demande de soumissions, sauf dans le cas où la modification constitue
un accessoire à celui-ci et n'en change pas la nature. En plus des
contingences ou extras déjà acceptés, maintenant on peut modifier un contrat
pour des modifications accessoires sans que l’on fixe une limite. L’encre de
cet article de loi n’était sûrement pas sèche que cette faille vague et
imprécise était exploitée. Pourtant,
aucun commentaire d’aucun parti politique, politicien quelconque, maire,
conseiller, association ou disons-le journaliste. Rien. Il faut que nous, les
citoyens, soyons conscients que chaque mot des lois compte et ce qui n’est pas
dit n’est pas interdit.
Avant même de parler du système à
proprement dit, analysons la procédure de soumission. Il m’est apparu que les devis d’appel
d’offres étaient souvent tendancieux, i.e. qu’ils comportaient des clauses
favorisant un fournisseur aux dépens des autres ou qu’ils avaient été écrits en
tout ou en partie par un fournisseur potentiel. De plus, le système est divisé
en deux parties ou à deux enveloppes et celles-ci ne sont pas ouvertes
immédiatement au moment du dépôt de la soumission comme c’est le cas pour les
autres soumissions. Les entrepreneurs en construction déposent leurs
soumissions à la dernière minute et assistent généralement à l’ouverture des
enveloppes de soumissions. Celle-ci se déroule
immédiatement après la fin de la période de dépôt. Entre autres, les
soumissionnaires veulent justement s’assurer que les enveloppes de soumission ne
soient pas manipulées ultérieurement. Lorsque je travaillais au gouvernement,
il m’était apparu que certains pointages étaient douteux et que pour y arriver,
il fallait que les enveloppes aient été préalablement ouvertes. Lorsque j’ai demandé
à mes supérieurs la permission d’assister à un dépôt de soumission et de
constater de visu le traitement (et scellement) des enveloppes, celle-ci m’a
été refusée. Pourquoi? Il me semble que c’était une demande justifiée, ne
croyez-vous pas?
Plus tard, après le dépôt des
soumissions, la première enveloppe ne contenant aucun prix est ouverte. Comparativement
à des critères (minimum de 4 critères) d’un maximum de 30% chacun, un comité de
sélection sans élu est nommé par le comité exécutif (dominé par le maire)
pointe les différentes offres soumises. La note de passage étant de 70%, on
élimine les soumissions inférieures à ce pointage et on retourne toutes les 2e
enveloppes aux différentes firmes non qualifiées sans les avoir ouvertes. Donc,
ne peuvent fournir un prix que les firmes reconnues comme qualifiées. Ceci est déjà un appel d’offres avec
qualification, n’est-ce pas? Mais très fréquemment, à ce que j’ai vu, il ne
reste qu’une seule firme qualifiée. De grandes firmes d’ingénierie ont été
éliminées dans un petit village. Que peut-il y avoir de si compliqué dans nos
villages que ces grandes firmes ne peuvent solutionner? Et pourtant, dans les
villages voisins, lesdites firmes non qualifiées peuvent obtenir des contrats
et la première firme qualifiée ci-haut se retrouve maintenant éliminée. Pourtant,
personne ne porte plainte. Ah bon! Ajoutons que depuis 2002, les petites firmes
se font généralement toutes éliminées par la première partie de ce système et
ont abandonné ce marché et même plusieurs ont été rachetées par les grandes
firmes. À quel prix? Ça, je ne le sais pas, mais cela a certainement joué sur
leur valeur monnayable.
On est juste rendu à la première enveloppe
et on n’a pas encore tout dit. Les fameux comités de sélection vont jusqu’à
faire l’analyse et l’évaluation des services professionnels. N’est-ce pas là le
travail des ordres, comme l’Ordre
des ingénieurs du Québec ou le Barreau, etc.? Les grandes firmes prétendent
qu’il y a plusieurs qualités chez les professionnels, alors que les ordres n’en
reconnaissent qu’une seule. Je me demande bien alors qui dicte les règles dans
l’exercice des professions? Il me semble
que ça devrait être les ordres et n'ont pas les comités de sélection.
Concernant l’évaluation de la
qualité des services rendus, les différentes firmes présentent dans leur offre
un chargé de projet, ainsi que
l’équipe de travail soutenant celui-ci. Mais dans les faits, une fois le projet
obtenu, il est très facile de remplacer tout ce monde par une toute autre
équipe par des ressources dites équivalentes. Celles-ci sont généralement
évaluées, non pas par le comité de sélection cette fois, mais par le chargé de
projet du demandeur. Ceci est une toute autre affaire et m’apparaît
singulièrement douteuse. De fait, il
semble que plusieurs firmes utilisent des prête-noms
pour soumissionner et obtenir la meilleure qualification par le comité de sélection,
mais de fait à une autre équipe en réserve pour effectuer le travail. Nous
verrons plus loin dans ce texte que
plus la qualification est haute, meilleur sera le prix obtenu par les firmes de
services professionnels.
Faisons un petit aparté du côté
du document proposé aux villes par le ministère des Affaires municipales
(MAMROT). Les différents pointages par critère se font par tranche de 20%, i.e.
si vous êtes évalués à 79%, on peut vous donner finalement que 60%, car les
seules notes possibles sont « ou 0 », « ou 20 », « ou 40 », « ou 60 », « ou 80
», « ou 100% ». L’élimination des
fournisseurs est encore très facile, car n’oublions pas qu’il suffit qu’un
fournisseur perde 30% à sa qualification globale pour être éliminé. Dans
l’exemple ci-dessus, si un fournisseur à 79% pour chacun des critères, au final,
avec le système MAMROT, on obtient que 60% au global et on est éliminé, même si
de fait celui-ci est parfaitement qualifié avec 79%. On a même obtenu un jugement
favorable de la cour là-dessus. Pour moi, c’est peut-être légal, mais c’est
immoral car on vous élimine à petit feu. Bien sûr, le commun des mortels ayant oublié un peu ses mathématiques n’y voit
que du feu. Il y en a qui appelle cela un appel d’offres, moi j’appelle cela un
simulacre d’appel d’offres proposé à
toutes les villes du Québec. Les comptes de taxes ne baisseront pas de cette
façon.
Quant au MTQ, on a trouvé un
moyen tout aussi subtil pour éliminer des firmes et limiter la compétition. On
y divise la note de passage de 70% en deux parties de 35%. Il faut avoir au
moins 35% dans chacune des deux divisions. Mais si vous avez 34 et 36%, vous
êtes quand même éliminés malgré que vous totalisez 70% et que vous êtes
reconnus comme étant parfaitement aptes par votre ordre professionnel. Ça n’aidera pas à faire baisser les taxes.
Finalement, on arrive à ouvrir la
ou les quelques deuxièmes enveloppes restantes. Dans celles‑ci, on retrouve le
prix global ainsi que les sous-totaux pour les différentes tâches à accomplir.
Non, non et non! Le contrat n’est pas accordé au plus bas prix. Il reste un
savant calcul à faire (rapport qualité/prix) dont je vous fais grâce. Ce calcul
détermine un pointage et c’est l’entreprise
qui a le meilleur pointage corrigé qui a le contrat, pas celle qui a le prix
le plus bas. Pour vous éclairer là-dessus, une entreprise qui a 100% à la
qualité peut soumissionner 25% plus cher qu’une entreprise qui a eu la note
minimum de passage (70%) à la qualité. Au Conseil du trésor, on permet jusqu’à
30% de plus. Et pourtant plusieurs témoins à la Commission sont venus dire le contraire
sans que quiconque ne les confrontent, même pas les avocats de la Commission.
Vous avez frappé le gros lot lorsque vos
ingénieurs, architectes, comptables et avocats qui vous représentent ont été
choisis par cette forme d’appel d’offres. Vous
devriez avoir un compte de taxes assez salé. En fait, il m’apparaît que ce
système d’appel d’offres a répandu la corruption dans tout le système
professionnel québécois.
Ma recommandation va faire monter
aux barricades certaines des grandes firmes de services professionnels. Il faut
tout simplement abolir le système de pondération afin de réintroduire les
petites firmes dans les appels d’offres gouvernementaux pour faire le
contrepoids aux grandes firmes. Le plus bas gagne le contrat voilà tout. Une
firme de construction de plomberie ou d’électricité emporte un contrat parce qu’elle est la plus basse, mais doit quand
même aussi fournir de la main d’œuvre qualifiée par d’autres instances. En
services professionnels, il faut appliquer le même principe. Les ordres
professionnels dictent les règles et connaissances requises par leurs membres
utilisés par les différentes firmes. Quant aux firmes de génie et autres qui
nous ont siphonnés pendant plusieurs
années, avons-nous à les prendre en
pitié? Elles auraient dû engranger un peu d’argent pour les temps durs. Elles
ne veulent tout simplement pas que les prix baissent et elles vont tout faire
pour arriver à leur fin, y compris
pleurnicher à la Commission Charbonneau. Pour nous, les québécois, la règle
du plus bas prix est une façon de récupérer notre argent que l’on nous a pris. Il
faut que nos comptes de taxes baissent. Voilà tout. Et pour les extras, cela
fait partie du jeu dans tous les contrats : toutes les entreprises
cherchent toujours à obtenir plus
d’argent quelle que soit la façon dont le contrat est accordé. Et pour la suite, svp passer l’information
à vos voisins.
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